French artist Ange Leccia’s Azé is made of images that seem to be coming from a terrorist hidden in Middle East.
No subtitles, but you don’t need any.
Azé ne conclut en rien ce périple, même s’il en est la troisième étape. Ange Leccia y expose le récit d’un terroriste parti se réfugier au Moyen-Orient. Mais, à l’instar d’Ile de Beauté et de Gold, le scénario se délite pour livrer à l’intuition un ensemble d’images où les choses prennent souvent un caractère pictural. Cette plasticité traduit la curiosité pour l’espace environnant et le transfert possible des signes sous l’impulsion des émotions. Le soleil est ainsi le guide de cette fiction qui donne une version abstraite des films d’aventures romantiques. Sa chaleur va jusqu’à brûler les paysages et la rétine, c’est-à-dire altérer le réel et lui donner l’incandescence d’un mirage. La lumière est un brasier où le voir et le vécu se confondent dans un tremblement érotique.
Les couples le long de la plage, les images à la télévision et les chansons orientales montrent la reprise des motifs d’Ile de Beauté, transposés dans une contrée où l’exotisme est le deuxième nom pour désigner le charme sensuel et la douceur de vivre. Le passé tourmente toutefois le personnage dont la villégiature n’est pas délivrée de toute tension. La présence militaire fait contrepoint à la suavité et laisse planer une menace sur les moments plus sereins. En enchaînant les ambiances dans un kaléidoscope rythmé, l’intrigue atteste que la beauté est toujours clandestine : elle est liée à l’éphémère et au volatil. La captation d’instants délicats crée une poésie de la trace qui exprime la fugacité des fragments esthétiques. A ce titre, l’enregistrement vidéo est trompeur car aucune pérennité ne doit être envisagée. Même s’il est possible de revoir le film, les affects ne sont jamais identiques dans la mesure où il s’agit de palimpsestes. Dans le réseau dense de leurs différences, ils réécrivent à chaque fois une narration à travers laquelle s’exhale la fragilité du temps.
La caméra d’Ange Leccia caresse les espaces et les corps sans chercher à imposer une lecture linéaire qui finirait par s’arrêter. Sous cet angle de vue, Azé amorce simplement un toucher : là où le lointain est rapporté aux environs, l’écart est encore une nécessité pour étreindre le monde. Comme Gold et Ile de Beauté, le film atteint la limite où la distance redevient la raison d’être du voyage. Qu’il soit temporel ou spatial, l’intervalle est ce qui confère aux images une aura. C’est donc entre le réel et soi-même qu’il est impératif à présent de se frayer un passage. Au sein de ce sillon, l’immobilité du spectateur dégage la même puissance que les mouvements d’un globe-trotter.
A nous de savoir alors ne pas se refuser à ces troublantes déviations.
Fabien Danesi, Les Voyages Immobiles (Pointligneplan)